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Bell & Howell

Une caméra surnommée « Mickey Mouse Ears » qui fait fureur dans les studios d’Hollywood

1912

La Bell & Howell est la caméra la plus utilisée par les studios d’Hollywood entre la fin des années 1910 et la fin des années 1920. Ses magasins en forme d’oreilles lui valent son surnom de « Mickey Mouse Ears ». Sa silhouette te sera peut-être familière, car la Bell & Howell est aujourd’hui l’icône utilisée comme émoji pour représenter les caméras d’autrefois.

Découvre comment cette caméra imposante et robuste a changé notre vision du monde. Cette caméra emblématique a beaucoup influencé les pratiques des cinéastes professionnels. C’est la caméra la moins portable des six, mais elle te permettra de comprendre, à titre de comparaison, le développement des autres caméras portables. Dans quel contexte a-t-elle été inventée ? Comment fonctionne-t-elle ? Qui opérait cette caméra à l’époque ? Tu auras la chance de trouver réponse à toutes ces questions et de visionner quelques films canadiens tournés avec la Bell & Howell.

Tu peux te reporter à la section « ressources additionnelles » si tu souhaites consulter un glossaire des termes techniques.

Le début du cinéma institutionnel

Au début des années 1900, les cinéastes recherchaient des caméras avec plus de précision pour tourner leurs films. Place à la Bell & Howell !

Reconnue pour sa grande qualité et sa précision, la Bell & Howell était considérée à sa sortie comme étant à la pointe des caméras professionnelles : elle produit de belles images, stables et nettes, mais elle est très lourde et peu portable.

Métallique, imposante et robuste la Bell & Howell utilise de la pellicule 35 mm et permet de visualiser le plan avant une prise pour cadrer et faire la mise au point grâce à un système ingénieux détaillé plus bas. Les opérateurs et leurs assistants professionnels doivent fixer cette lourde caméra sur un trépied. Ils peuvent ainsi capter des images d’une très grande stabilité.

La Bell & Howell est la caméra la plus utilisée par les studios hollywoodiens entre la fin des années 1910 et la fin des années 1920. Sa production cesse en 1958. On en retrouve plusieurs en usage dans des studios d’animation au tournant des années 2000.

La précision et la stabilité de la Bell & Howell en font une caméra de studio de choix qui a influencé les pratiques et l’esthétique du cinéma. Elle accompagne le début de la gloire des films muets des grands studios hollywoodiens qui ont établi les codes du cinéma encore en vigueur aujourd’hui.

Des exemples de films canadiens tournés avec la Bell & Howell

On retrouve également la Bell & Howell au Canada : en effet, le Canadian Government Motion Picture Bureau dispose de ces caméras pour les tournages en studio et en extérieur : « Crée en 1918, il est la première unité nationale de réalisation de films au monde. Son objectif est de réaliser des films faisant la promotion des secteurs du commerce international et de l’industrie au Canada. Il a été repris en 1941 par L’ONF […] Le Bureau détient le plus grand studio et l’installation de postproduction la plus importante au Canada1 ». Le Bureau entretient également des liens étroits avec les studios hollywoodiens, permettant à ceux-ci d’investir le développement de l’industrie cinématographique canadienne.

1 https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/canadian-government-motion-picture-bureau

Carry on, Sergeant ! Visionner

Carry on, Sergeant ! réalisé par Bruce Bairnsfather en 1928.
Domaine public
Un Canadien ordinaire quitte sa femme pour s’engager dans un bataillon. En parallèle, de jeunes hommes, venant de familles fortunées, s’engagent et deviennent officiers. Évocation de la Première Guerre mondiale et de la bataille d’Ypres en Belgique.

 

Les décors du film sont recréés dans un studio comme on peut le voir sur ces deux photographies :

L’équipe du film, nombreuse, est postée derrière la Bell & Howell. Un homme à droite de la caméra tient un parapluie pour protéger l’appareil.

Photographie du tournage Carry on, Sergeant! On y voit la Bell & Howell posée sur un trépied. Le dispositif semble très stable et donc très peu mobile. Cinémathèque québécoise 1995.0700.PH.08
Domaine public

 

On voit le décor en plan d’ensemble. En haut se trouvent des éclairages fixés sur une lourde structure métallique. Toute l’équipe du film se tient derrière la caméra orientée vers un des comédiens.

Photographie du tournage Carry on, Sergeant! Cinémathèque québécoise 1995.0700.PH.03
Domaine public

Back to God’s Country Visionner

Back to God’s Country réalisé par David M. Hartford en 1919
Domaine public
L’héroïne vit dans la nature sauvage avec son père. Un jour, des hommes diaboliques viennent pour l’enlever. Son père est tué dans l’échauffourée, mais elle réussit à s’enfuir avec son fiancé. (Programme de la rétrospective Les Cinémas du Canada, du Centre Georges Pompidou).

Le directeur du Bureau, Ben Norrish, fut également directeur de l’Associated Screen News of Canada (ASN), créé en 1920. Cette compagnie est à l’origine de la majorité des films d’actualité, et des films corporatifs au Canada dans ces années-là. ASN a fermé le département des productions cinématographiques en 1957.

ASN disposait également de plusieurs caméras Bell & Howell et des caméramans canadiens de renom ont régulièrement travaillé pour eux.

Quelques exemples de tournages intérieur et extérieur :

Dans ce qui semble être une usine, des travailleurs s’affairent. Un caméraman a placé une Bell & Howell en hauteur. Un fort éclairage artificiel a été ajouté pour pouvoir filmer.

Photographie d’un tournage de l’Associated Screen News of Canada. Cinémathèque québécoise 1999.0861.PH.35
Domaine public

À l’extérieur, un pêcheur se fait filmer par un caméraman et son assistant. Les trois hommes et la caméra sur son trépied sont dans l’eau.

Photographie d’un tournage de l’Associated Screen News of Canada. Cinémathèque québécoise 1999.0861.PH.21
Domaine public

Dans ce qui semble être un hippodrome, une multitude de militaires en lignes chevauchent des chevaux et avancent au pas en direction de la Bell & Howell. Celle-ci est placée sur le toit d’une fourgonnette. L’opérateur, lui aussi juché sur le toit de la voiture, est en train de filmer l’action.

Photographie d’un tournage de l’Associated Screen News of Canada. Cinémathèque québécoise 1999.0861.PH.36
Domaine public

Une foule de badauds de dos est rassemblée devant une maison. À droite, un camion sur lequel est inscrit Associated Screen News Photographers. À côté un caméraman et son assistant filment des personnes sur le porche de la maison.

Photographie d’un tournage de l’Associated Screen News of Canada. Cinémathèque québécoise 1999.0861.PH.01
Domaine public

Genèse d’une invention

La Bell & Howell tient son nom de deux hommes qui ont ensemble collaboré à son invention : Donald J. Bell et Albert S. Howell.

Au début des années 1900, alors que Chicago était l’épicentre de l’industrie du cinéma, M. Bell, un projectionniste et M. Howell, un ingénieur dans une manufacture de pièces de projecteurs, décident de créer la compagnie Bell & Howell. Ils se spécialisent dans la réparation de matériel cinématographique, la fabrication de tireuses et de perforatrices. Ils démarrent donc leur entreprise en étant au fait des limites des machines et des attentes du milieu professionnel en plein essor. Cette première spécialisation influence les futures conceptions des caméras de la marque. Les perforations B&H deviennent ensuite une référence à l’international.

En 1912, Bell et Howell mettent au point la caméra 2709 modèle B, connue sous le nom de « the Standard Camera » dont le système d’entraînement de la pellicule très performant continue d’être une référence. Dans le détail, ce sont deux griffes qui assurent le mouvement de la pellicule, puis un cadre presseur plaque la pellicule au moment où elle est exposée à la lumière. Cela permet de réaliser de manière très précise des effets au moment de tournage.

Les produits et les normes développés par la compagnie Bell & Howell dans le premier quart de ce siècle ont constitué la pierre angulaire de la plupart des développements ultérieurs de la technologie cinématographique – professionnelle et amateur – dans le monde entier, mais surtout aux États-Unis. Cependant, cet article historique se concentrera, en général, sur les caméras cinématographiques de 35 mm développées et construites par cette société, et en particulier sur un modèle de caméra, le modèle Standard 2709. [Traduction]

Roberts, Laurence. J. 1982. “Cameras and Systems : A History of Contributions from the Bell & Howell Co. (part.1)”. SMPTE Journal, octobre, p. 934.

Première page du brevet qui contient un dessin sur toute la longueur de la page. C’est une vue de coupe du mécanisme de la caméra. On retrouve également les informations importantes comme le nom de Howell, sa signature, la signature du témoin lors du dépôt, et la date Voir

Howell, Albert. S. 1911. « Motion Picture Machine ». Brevet No. 1,038,586. United States Patent Office.

pdf (358,46 ko)

La Bell & Howell modèle B est la première caméra métallique à être largement utilisée par les opérateurs des studios2. Elle a un large succès et arrive à concurrencer la caméra en bois Pathé Professionnelle.

2 Les studios construits à Hollywood, ressemblent en quelque sorte à celui d’Edison que tu as pu voir dans la fiche du Cinématographe en beaucoup plus grands.

En 1907, année où Donald Bell et Albert Howell ont créé la compagnie Bell & Howell, l’industrie cinématographique, alors encore en développement, était une collection de divers calibres de pellicules et de normes de perforation. Les films réalisés dans un pays, voire une ville, ou par un réalisateur ou un studio particulier, ne pouvaient être projetés que sur des machines conçues pour ce type de pellicule. Inutile de dire que la distribution et l’exploitation internationales ou même nationales d’un film étaient dans la plupart des cas impossibles. Donald Bell et Albert Howell se sont vite rendu compte qu’il était indispensable d’adopter une norme de calibre et de perforation standardisée. Sans leur clairvoyance et celle d’autres pionniers, nous pourrions encore être confrontés aujourd’hui à un fouillis de calibres et de formats de pellicules, chaque studio dans le monde produisant des films destinés à être exposés uniquement sur ses propres machines. Cette normalisation précoce du format de pellicule 35 mm, avec quatre perforations par image/bord, est à ce jour l’une des rares normes mondiales dans bon nombre de domaines. [Traduction]

Roberts, Laurence. J. 1982. “Cameras and Systems : A History of Contributions from the Bell & Howell Co. (part.1)”. SMPTE Journal, octobre, p. 934-935.

La caméra est vue de trois quarts côté gauche. Elle est constituée de deux gros rectangles en bois noir : le corps de la caméra et dessus, la boîte contenant la pellicule. Elle est actionnée avec une manivelle située à l’arrière gauche.

Photographie de la Pathé Professionnelle, issue des collections du George Eastman Museum. Cette caméra est en bois et donc moins résistante que la Bell & Howell qui est entièrement métallique.
TECHNÈS – CC BY-SA 4.0

 

Cette caméra est très largement utilisée avant l’arrivée de la Bell & Howell et continue de l’être comme deuxième caméra sur les plateaux :

« Il a fallu un certain temps pour que la 2709 soit adoptée à Hollywood, principalement en raison de la concurrence de la caméra Pathé, très populaire à l’époque. La plupart du temps, lorsque deux caméras étaient nécessaires (soit par précaution, soit pour produire un deuxième négatif ou une version étrangère), la caméra Pathé et la 2709 étaient toutes deux utilisées sur la même production » (Roberts 1982, p. 939, traduction).

Fiche wikipedia de la caméra
Pathé Professionnelle en 3D

Environ 1200 caméras ont été produites au total. Elle est majoritairement utilisée jusqu’à la fin des années 1920 et l’arrivée du cinéma « sonore »3. Elle n’est plus produite après 1958.

La Bell & Howell coûtait environ 2000 dollars US à l’époque, soit environ 72 000 dollars canadiens d’aujourd’hui. À cela s’ajoutaient les différents objectifs et accessoires achetés en supplément et le tout pouvait coûter l’équivalent du prix d’une maison. À part quelques grands noms du cinéma, comme Charlie Chaplin, seuls les studios avaient les ressources financières pour s’équiper avec du matériel aussi coûteux.

3 Le célèbre Jazz Singer, considéré comme l’un des premiers films parlants de l’histoire, sort en 1927.

Fiche technique de la caméra

Quelles étaient les caractéristiques de cette caméra qui la rendait si professionnelle, précise et stable?

Caractéristiques

Dimensions
38 x 18 x 38 cm
Poids
12 kg avec objectifs et magasins. 41 kg avec trépied et boîte de rangement. Le poids est gage de grande stabilité de la caméra
Matériaux
Entièrement métallique, essentiellement en aluminium.
Vitesse de prise d’images
Environ 16 images/seconde. Cette vitesse était variable puisque la pellicule défilait à l’aide d’une manivelle actionné par l’opérateur.

Composantes et accessoires

4 objectifs montés sur une tourelle circulaire rotative
C’est la première caméra professionnelle qui permet d’effectuer un changement rapide d’objectifs.
La manivelle
Elle doit être actionnée à raison de 2 tours par seconde pour obtenir une prise de vue à 16 images/seconde.
Un trépied qui pèse environ 9 kg
Muni de deux manivelles pour effectuer panoramiques horizontaux et verticaux. Les mouvements peuvent être relativement saccadés.
Bobine de pellicule
Entre 120 et 305 mètres de pellicule 35 mm qui deviendront le standard dans l’industrie, soit jusqu’à 16 minutes enregistrées sans changement de bobine.
Compteur pellicule
Un compteur image avec possibilité de rembobiner la pellicule pour procéder à des surimpressions, effet au moment du tournage qui capte deux images superposées pour n’en former qu’une seule.

Particularités de l’appareil

Mécanisme pour stabiliser le défilement/arrêt de la pellicule.
Cet élément permet de tourner des images d’une grande qualité et précision.
Muet
Possibilité de synchroniser le son avec l’ajout d’un moteur et utilisation d’un caisson d’insonorisation et des magasins de 305 mètres insonorisés, mais ce n’est pas le modèle le plus adapté pour le cinéma parlant.

Ses inconvénients majeurs

  • Son viseur renvoie une image inversée.
  • Son parasoleil ne permet pas d’insérer des filtres qui doivent alors être fixés directement sur les objectifs.

Le fonctionnement et la prise en main

Il est très rare de retrouver des manuels d’instruction des caméras professionnelles de l’époque. L’apprentissage se faisait sur le terrain, au côté de caméramans déjà expérimentés.

La caméra était opérée par des caméramans et des assistants sous les ordres d’un-e réalisateur-trice. Sur un plateau de tournage, chacun y avait un rôle très circonscrit pour gagner en efficacité et rentabilité.

 Sur un plateau de tournage, au premier plan, à gauche, le caméraman devant une Bell & Howell posée sur son trépied. À droite, le réalisateur devant un énorme mégaphone. À l’arrière-plan, on peut voir les décors, les figurants et le reste de l’équipe de tournage.

Allan Dwan, sur le plateau de tournage du film Robin des Bois, se fait entendre par mille deux cents figurants grâce au plus grand mégaphone du monde mesurant quatre pieds de diamètre et dix pieds de long. L’image incarne la grandeur des tournages en studios. Photographie issue du journal Photoplay, 1922.
Domaine public

 

La mise en place de la caméra avant de pouvoir actionner la manivelle implique de nombreuses étapes : chargement de la pellicule dans les magasins, cadrage, mesure de l’ouverture, mise au point, etc.

Sur cette caméra, il n’y a pas de viseur réflex, c’est-à-dire qu’on ne voit pas ce qui est filmé au moment du tournage. En revanche, un système est conçu pour cadrer et faire le focus avant de tourner un plan : l’œilleton de la caméra permet de contrôler ce qui est filmé par l’objectif qui se trouve à 180º de l’objectif utilisé pour la prise de vue. Il est donc possible de cadrer et faire le point à travers l’œilleton. Puis l’opérateur bascule l’objectif en position de prise de vue en faisant pivoter la tourelle. Cela produit un léger effet de parallaxe (ce n’est pas exactement le même cadre), ce qui peut être parfois gênant lorsque les personnages sont proches des bords du cadre. Dans ces cas-là, le trépied particulier est nécessaire, ou plus exactement la tête de trépied. En effet, ce dernier fonctionne de pair avec le système de visée de la caméra. Il y a deux positions de caméra : avant et au moment de filmer.

Gros plan de la tête du trépied, le système de coulissement sur le haut de la tête. Deux manivelles sont à droite et à gauche pour permettre de pivoter la caméra.

Modélisation 3D de la tête du trépied de la Bell & Howell. La tête du trépied permet de faire coulisser la caméra pour faire la mise au point.

Deux photographies illustrent les deux positions de la caméra lors du cadrage/mise au point et lors du tournage. Un texte explicatif accompagne les photographies.

Photographie d’un accessoire permettant de fixer le viseur. Cette photographie permet de comprendre le déplacement de la caméra de sa position au moment du cadrage et de la mise au point, à sa position au moment du tournage. Photographie issue de l’American cinematographer de 1929.
Domaine public

Donc pour faire cadrer et faire la mise au point, cela se fait en 4 temps :

« La mise au point s’effectuait en faisant pivoter la tourelle de 180 degrés de façon à ce que l’objectif utilisé pour la prise de vue se trouvait devant l’écran en verre dépoli, de l’autre côté de l’appareil, où l’on pouvait voir l’image à travers un œilleton situé sur le côté de l’appareil. Avant cela, l’appareil était déplacé latéralement sur la tête de trépied spéciale sur laquelle il était monté, de manière à ce que l’objectif se retrouve dans la position qu’il occuperait dans l’espace au moment de la prise de vue, les deux déplacements effectués par la rotation de la tourelle de l’objectif et le déplacement du corps s’annulant pour éliminer la parallaxe qui se produirait autrement. L’appareil disposait également d’un dispositif de visée supplémentaire à utiliser lors de la prise de vue proprement dite  » (Salt 2009, p. 88, traduction).

Ensuite, la Bell & Howell doit être actionnée par manivelle à raison de deux tours par seconde (c’est le même principe que le Cinématographe). Elle permettait aux caméramans de varier la vitesse de prise de vue pour créer des effets accélérés lors de la projection. C’est une latitude créative permise par la manivelle. À partir de 1919, elle peut être remplacée par un moteur.

Le caméraman plaçait souvent son poignet dans le prolongement de l’axe de la manivelle. La caméra est lourde et posée sur un trépied, il n’y a donc pas besoin de l’immobiliser lors de la prise.

Lorsque le trépied est monté au maximum, la caisse de rangement de la caméra peut servir de marchepied pour le caméraman.

Les opérateurs ne pouvaient pas voir ce qu’ils filmaient au moment de la prise. Maîtriser un mouvement de caméra « à l’aveugle » était d’autant plus difficile et demandait de l’expérience. Notons que les mouvements de caméra sont rares à cette époque, ce qui sous-tend une certaine immobilité du caméraman au moment de la prise.

Le caméraman opère la caméra seul, mais cela est plus difficile lorsqu’un mouvement de caméra est nécessaire et implique d’actionner en même temps les manivelles du trépied. Même si certains caméramans arrivent à faire les deux, c’est-à-dire qu’ils actionnent la caméra d’une main et de l’autre une des manivelles du trépied pour effectuer les panoramiques verticaux et horizontaux, lorsqu’un assistant est disponible, il peut être sollicité pour cette tâche.

Ainsi, l’assistant-caméraman ne s’occupe pas de la caméra à proprement parler. À l’époque, il se voit attribuer des tâches assez simples comme transporter la caméra, s’occuper de l’identification des prises avec la claquette, tenir un réflecteur ou faire le marquage le sol du studio pour donner aux acteurs les bordures du cadre. L’assistant peut prendre aussi quelques notes pour chaque prise comme la longueur de la prise, les réglages de la caméra et les entrées et sorties dans le cadre des acteurs.

Lorsque l’assistant est sollicité pour un mouvement de caméra, il doit coordonner son action avec celle du caméraman et actionner les manivelles du trépied en fonction du rythme du mouvement souhaité.

Enfin, pour rendre la caméra plus mobile, les grosses productions pouvaient fixer une Bell & Howell à l’arrière d’une voiture aménagée pour le caméraman. L’autre option était de faire bouger le décor à l’arrière des comédiens plutôt que la caméra.

En plan d’ensemble, on voit à gauche à l’arrière plan un char tiré par quatre chevaux au galop. À droite sur une voiture aménagée d’une plateforme se trouvent deux caméramans en parallèle. Ils tournent la course.

Photographie du tournage de Ben Hur 1925. Deux caméramans et leur Bell & Howell sont à l’arrière d’une voiture aménagée afin de filmer la course de chars. Photographie issue du livre Hampton, Benjamin B. 1931. A History of the Movies, New York : Covici—Friede Publishers, p. 560.
Domaine public

 

L’utilisateur de la Bell & Howell

Dès le début, l’objectif de la firme Bell & Howell était d’atteindre l’industrie cinématographique en pleine expansion. Elle est conçue et utilisée par des caméramans professionnels.

Pour être un caméraman professionnel compétent, il faut détenir des qualités essentielles telles que : être méthodique, concentré, posséder de très bonnes connaissances techniques, être adroit de ses mains, débrouillard, avoir un sens artistique développé et une bonne mémoire.

À gauche, un homme est assis sur un tabouret à l’ombre d’un parapluie. Il regarde le photographe. À côté de lui, une dame le regarde. Ce sont des comédiens. À droite devant la caméra, un homme les regarde et fume un cigare. À côté, le cameraman est derrière la caméra, main sur la hanche observe la scène.

James Wong Howe caméraman et chef opérateur de renom a participé à plus de 130 films. Il est photographié ici avec une Bell & Howell en 1924 sur le plateau The Alaskan.
Domaine public

Les hommes ont majoritairement occupé ces postes lorsque l’industrie cinématographique a pris de l’ampleur, néanmoins de très nombreuses femmes ont également opéré ou réalisé des films avec cette caméra à la fin des années 1910.

Une femme à gauche actionne la manivelle de la Bell & Howell. Devant la caméra se trouve une autre femme qui regarde le photographe. Elle a un bouquet de fleurs dans les mains. Cette photographie semble être une mise en scène.

Photographie de l’actrice May Allison à gauche avec une Bell & Howell et la première dame des États-Unis entre 1909 et 1913 Helen Taft à droite.
Domaine public

À gauche, la réalisatrice semble insérer la pellicule dans le mécanisme de la caméra. En même temps, elle regarde un homme à droite de l’image.

Nell Shipman manipulant la pellicule dans la caméra.
© RGR Collection/Alamy Stock Photo

L’opérateur et son assistant sont en position de tournage. L’opérateur a la main sur la manivelle de la caméra et l’assistant est prêt à actionner une des manivelles du trépied pour effectuer un panoramique.

Modélisation 3D de l’opérateur de la Bell & Howell et son assistant.

Ressources additionnelles

Voici un lien vers un lexique qui te permettra de mieux comprendre certains termes utilisés : Glossaire du cinéma

Tu es curieux ? Tu veux en savoir plus sur la Bell & Howell et les cinéastes qui l’ont utilisée ? Voici des liens vers d’autres contenus qui te permettront d’approfondir tes connaissances.

Bibliographie

Howell, Albert. S. 1911. « Motion Picture Machine ». Brevet No. 1,038,586. United States Patent Office.

Mannoni, Laurent. 2016. De Méliès à la 3 D : la machine cinéma. Paris : Lienart Editions.

Morris, Peter. 1978. Embattled Shadows : A History of Canadian Cinema, 1895–1939. Montréal : McGill-Queen’s University Press.

Raimondo-Souto, H. Mario. 2007. Motion Picture Photography : A History 1891–1960. Jefferson, N.C. : McFarland.

Salt, Barry. 2009. Film Style and Technology : History and Analysis. Londres : Starword.

Shipman, Nell. 1987. The Silent Screen & My Talking Heart. Boise : Boise State University.

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